Un articolo del giornale francese Le Monde sulle tensioni diplomatiche tra Gran Bretagna e Russia accentuate dai casi Litvinenko e Berezovsky:
Malgré l'apparente normalité de leurs relations économiques, le Royaume-Uni et la Russie se trouvent engagés dans une quasi-guerre froide diplomatique. Le boycottage par les hauts fonctionnaires et patrons de compagnies semi-publiques russes du Forum économique russe de Londres, qui s'ouvre le 22 avril, en est la dernière illustration. Même le flegme des organisateurs britanniques de ce dixième Forum a un peu craqué devant la cascade d'annulations de dernière minute de participants russes à cette grand-messe qui met en présence patrons russes et milieux d'affaires occidentaux.
La liste des défections s'apparente au Who's Who de la nomenklatura économique russe : le président de Rosneft, la première compagnie pétrolière russe, Sergueï Bogdantchikov, Petr Aven (Alfa Bank), Alexeï Mordachov (Severstal), Anatoli Tchoubaïs (monopole de l'électricité), Alexandre Chokhine (chef du RSPP, le Medef russe), Alexandre Medvedev (Gazprom), etc. Les uns ont invoqué un emploi du temps surchargé ou des voyages d'affaires, d'autres des vacances ou des problèmes de santé. Ceux qui défendaient encore, il y a quelques mois, que cette manifestation était l'occasion de nouer des contacts et de gagner la confiance des Occidentaux sont désormais aux abonnés absents.
L'oukase serait venu directement du Kremlin : les plus grosses entreprises et les hauts fonctionnaires auraient été sommés de ne pas faire de Londres un "deuxième Courchevel", allusion à la station de ski française devenue le haut lieu des Russes riches. En somme, ne pas privilégier Londres au détriment du Forum économique de Saint-Pétersbourg, qui a lieu chaque année au début de l'été.
Dans les faits, il s'agit surtout de ne pas soutenir le "complot émigré", comme l'entourage du maître du Kremlin appelle le groupe d'opposants réfugiés à Londres. A commencer par l'ennemi numéro un de Vladimir Poutine, l'homme d'affaires russe Boris Berezovksi. L'appel de ce dernier au renversement par la violence de M. Poutine lancé, le 13 avril, dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian est à l'origine de ce nouveau coup de froid. Devant les remontrances du Foreign Office, l'ancien oligarque, qui a obtenu l'asile politique en 2003, a rectifié le tir en précisant qu'il préconisait une voie pacifique, à l'image de ce qui s'était passé en Ukraine et en Géorgie.
Moscou a immédiatement réitéré sa demande d'extradition de ce proche de l'ex-chef de l'Etat russe Boris Eltsine. Londres a refusé.
La condamnation, par l'Union européenne, de la récente répression des manifestations d'opposants au Kremlin menés par l'ancien champion du monde d'échecs Garry Kasparov a ajouté aux tensions existantes. Les relations bilatérales sont en effet au plus bas depuis l'assassinat, en novembre 2006 à Londres, du dissident Alexandre Litvinenko. La Russie refuse l'extradition des deux principaux suspects.
"Je ne vois pas à quelle logique cela (le boycottage du Forum de Londres) correspond. Cela n'a pas de fondement rationnel, explique Alexandre Lebedev, député de la Douma - chambre basse du Parlement - qui a décidé de se rendre malgré tout à Londres : sauf à être lié à Berezovski ou à une quelconque enquête. Dans tous les cas, c'est une sorte de signal politique adressé aux Anglais."
La volonté du Kremlin de privilégier Saint-Pétersbourg n'a pas empêché les mêmes industriels et financiers russes de se rendre à des forums du même ordre, en mars à Amsterdam et en avril à Zurich. Vladimir Poutine qualifiait encore récemment le Forum londonien de "facteur important pour la sortie de la Russie vers l'étendue économique européenne".
Dans cette affaire, le gouvernement de Tony Blair se trouve soumis à un feu croisé : d'un côté, l'administration de Vladimir Poutine qui a lancé une campagne contre le Royaume-Uni, "puni" pour persister à abriter certains de ses opposants les plus virulents ; de l'autre, la City et la majorité des oligarques installés dans la capitale britannique, qui s'inquiètent des représailles possibles de Moscou, en particulier dans le domaine énergétique (TNK-BP) ou financier (introductions à la Bourse de Londres de compagnies russes).
Londres refuse toutefois de s'enfermer dans un affrontement à long terme, même si l'on ne cache pas que les relations sont devenues "compliquées". Les signaux sont en effet contradictoires. Malgré les dossiers qui fâchent, le premier vice-premier ministre russe, Sergueï Ivanov, considéré comme l'un des favoris à la succession de Vladimir Poutine en 2008, a donné un entretien au quotidien économique britannique Financial Times, publié jeudi 19 avril, dans lequel il dément que son pays cherche à engager une nouvelle guerre froide avec l'Occident.
Fonte: Le Monde